lundi 19 novembre 2007

Les "usagés" n'ont jamais aussi bien porté leurs noms

Voici la retranscription d'un article plein d'humour et vraiment d'actualité, qui avait été posté, il y a quelques mois déjà, sur le Blog en Commun (il semblerait que les archives aient été nettoyées depuis)... J'espère que son auteur ne m'en voudra pas trop.

La vie d'un usagé du RER C

7h00 : Michel se lève, de mauvaise humeur, comme tous les matins. Il se peut que le soleil brille ou qu’il découvre que Laure Delatre ne fait plus de télé, c’est comme çà, il est de mauvaise humeur. Par habitude, l’usagé (l’usager tend à devenir usagé en effet après quelques trajets) est ronchon, passablement pessimiste avec une nette tendance à un fatalisme teinté de résignation, il en vient même à aimer les brocolis. Se venger sur son animal de compagnie ou sur le pain de mie n’y changeront rien, chaque réveil est une torture.

7h45 : L’usagé finit de se préparer en tout hâte pour ne pas être en retard. Il sait que son train sera en retard mais il se méfie, il n’est en effet pas rare que le RER arrive à l’heure quand on est soi même à la bourre. Effet pernicieux que chaque usagé a constaté au moins une fois, et rater son train, c’est avoir l’assurance qu’on va au devant de gros soucis.

Mais avant d’aller plus loin, quelques explications sont nécessaires : Ceci est à l’attention de ceux qui n’habitent pas la capitale et n’ont pas le malheur d’utiliser le RER C, même si je suis sur que ce train n’a pas manqué de susciter quelques clones tristes à travers la France. Le RER C est la preuve qu’une technologie dépassée, qui a fait ses preuves, qui n’a plus rien à prouver, qui mériterait un repos bien mérité peut subsister, toute moribonde qu’elle est. Fleuron de la technologie Française il y a quelques siècles, le RER C est un train, certes, duquel on s’attendrait volontiers à voir sortir de la fumée. Lent, bruyant, frileux, il semble attirer les problèmes techniques avec une régularité impressionnante. Des retards sont donc à dénombrer. De longues heures d’attente sur un quai lugubre dans l’ignorance la plus totale quant à son avenir proche. De fait, l’usagé devient, au fur et à mesure des semaines, taciturne et dépressif, l’œil vide de toute émotion et la main fébrile. Signe qui ne trompe pas : je n’ai jamais vu un seul SDF faire la manche dans ce train, ces gens ne sont pas fous : un train aux horaires aléatoires remplis de gens peu à même de s’apitoyer sur le destin d’autrui, c’est pas vraiment une bonne affaire. Attention, certains privilégiés qui ne le prennent que pour deux-trois stations en plein Paris vous diront certainement le contraire, ne les écoutez pas, ils ne savent pas, les pauvres, ils ne sont pas à l’attention de savoir que ça existe.

7h55 : L’usagé à fait sa part du job, il est à l’heure. Normalement, son train devrait arriver dans les 5 minutes.

8h20 : doune toune touuune… dwoing : « suite à un problème technique le train initialement prévu à 8h00 aura un retard indéterminé ». Il faut dire que les usagés commençaient un petit peu à s’en douter. Certains, et ils sont peu, ronchonnent, les autres se gardent bien de tout commentaire, de peur que le dieu des transports en communs ne les entendent et en prenne ombrage. Quelques uns téléphonent pour prévenir qu’ils auront du retard, d’une voix lasse et suivant une rengaine aussi millimétrée que celle d’une telemarketeur.

9h00 : Il fait froid, très froid.

9h01 : Ah, et il pleut aussi.

9h10 : doune toune touuune… dwoing : « les trains de 8h15, 8h30 et 8h45 sont annulés jusqu’à nouvel ordre. » Les usagés tendent l’oreille en quête d’une suite. Qui ne viendra pas, d’ailleurs.

9h30 : La tension commence à devenir palpable : les fumeurs tirent un peu plus forts sur leurs cigarettes, les grosses dames parlent plus fort, les regards se font acérés comme si chacun était responsable de la situation, les piles commencent à manquer dans les walkmans et il fait trop froid pour tenir un livre. Certains commencent à baver.

10h00 : doune toune touuune… dwoing : « un train va bientôt arriver » bruit de micro « normalement »

10h36 : Un homme avec une cravate s’écrit tout d’un coup que c’est un scandale et qu’il va se plaindre. Ce à quoi une grosse dame réponds qu’il a bien raison, ils entament sur le champ un pamphlet à l’encontre des fonctionnaires, des trains et de la pluie.

11h02 : Dans un bruissement de ferrailles comme un lâcher de clous rouillés sur de la tôle, un truc gris se profile poussivement à l’horizon, si on suit des yeux les rails sur lesquels il semble être posé, il se dirige vers la gare. On se jette dans les bras des uns et des autres, poussant des cris de joies comme si le pays venait de gagner la coupe du monde, le train s’arrête dans un tonnerre de sifflements et de lâchers de gaz, les vitres sont embuées et, à peine à quai, les portes s’ouvre en protestant énergiquement, à l’intérieur, des gens, comme il y en a plein, qui jettent à ceux qui sont sur le quai des regards vaguement interrogateurs. De l’intérieur, la voix du chauffeur crache dans les hauts parleurs «Terminus, tout le monde descend, ce train ne prends plus de voyageurs. »

11h30 : Les voyageurs nouvellement débarqués raconte aux autres ce qui se passe plus loin sur la ligne, au front « ici, vous êtes à l’abri, enfin au calme, là bas, c’est la folie, les gens se montent dessus pour attraper un train, ils ont chaud, ils crient, ils se disputent, c’est horrible j’vous dit » . De ci de là, des gens ont allumés des feux, créant des petits groupes qui essayent de se réchauffer en faisant le bilan des choix qu’ils ont à leur disposition. L’humeur est plutôt maussade, assis en tailleur, un homme raconte qu’il a vu une femme séparée de son enfant tandis que le train démarrait « ouais, un type a essayé de lui lancer par la fenêtre pendant que le train prenait de la vitesse mais..hum..bon, ça n’a pas vraiment réussi ».

12h13 : Les usagés ont faim, d’autant plus qu’ils sont énervés. Un d’entre eux se lève soudainement et crie quelque chose en montrant du doigt la gare à l’intérieur de laquelle se trouve le guichet. Visiblement, l’intervention de l’homme est remarquée puisque une grande partie du quai le suit lorsqu’il se rue dans la gare.

12h15 : Le guichet est pris d’assaut par une centaine d’usagés qui beuglent et crient à tout rompre, ils fracassent les distributeurs, cassent les sièges et urinent sur le sol sans que le guichetier ne puisse rien y faire.

12h17 : Les usagés s’attaquent à la vitre blindée qui sépare l’employé de la SNCF du monde extérieur.

12h20 : Le guichetier est amené sur le quai, ligoté. Une battue est organisée et rapporte deux balayeurs, un machiniste ainsi qu’un emploi jeune.

12h25 : Un bûcher nourrit de Carte Orange et d’horaires de train flambe majestueusement, on y place les victimes afin de les y faire cuire.

12h46 : Certains se révoltent un peu à l’idée de devoir manger de la viande humaine mais s’y résignent bien vite : c’est ça ou manger des Snickers.

13h32 : De nouveaux usagés ne cessent d’arriver, grossissant les troupes. Tous les hauts parleurs de la gare ont été démontés depuis que la voix leur a annoncé qu « un train n’allait peut être pas tarder à arriver, ce n’est qu’une question d’heures »

14h15 : Un débat sauvage divise les troupes : certains disent qu’en suivant les voies, on doit bien arriver quelque part, Mr cravate est très attaché à cette idée là, d’autant plus qu’il a une réunion à 16h00 de la plus haute importance. Certains arguent que le RER C emprunte des chemins qui sont plus longs que la simple distance entre deux gares, qu’ont ne peux pas mettre autant de temps pour faire 2 km sans forcement passer par des failles spatio-temporelles. Il est finalement décidé qu’un groupe partira en reconnaissance tandis qu’un autre restera à la gare. Il est très dur pour les usagés de se séparer mais il le faut bien. Les éclaireurs jurent qu’ils vont trouver du secours, qu’ils vont revenir avec des RER à ne plus savoir quoi en faire. Les adieux sont bien tristes, sous les sourires, il y a cette certitude qu’on ne les reverra jamais.

16h38 : Pas de nouvelles depuis 2 heures, l’espoir s’amenuise en même temps que les ressources, on commence à envisager des sacrifices. Déjà, ce lycéen qui à tenté une blague en clamant qu’il aller se jeter sous un RER pour en finir à été lapidé par la foule. On redevient morose, pas très communicatif.

17h00 : La nuit se lève tôt et vite sur la gare, des bruits étranges viennent des rails, des fois il arrive d’être frôlé par quelque bestiole rampante. Un loup hurle au loin. Autour des feux de camp, les gens ont peur.

18h07 : Il est temps de rentrer maintenant, rentrer chez soi, non ? N’est ce pas la procédure ? Des questions commencent à se poser, et si, et si. Oui, et si un RER arrivait, là, nous serions déjà sur place demain et n’aurions pas à revivre ce cauchemar ? En effet, renchérissent quelques vieux usagés, il arrive que quelques trains passent la nuit pour transporter les usagés errants et fatigués, les trains de la bénédiction, le train du salut qui vous emmène en des contrées dans lesquels on aimerait bien se rendre. Et puis, ce serait bête de rentrer, la queue entre les jambes, si proches du but, tout ce combat pour rien ? non !

7h00 : La nuit a été rude, inconfortable et surtout, n’a vu apparaître aucun RER. Partout des gens se réveillent sans avoir trop conscience de l’endroit ou ils sont. Ca gémit d’un peu partout, ça se frotte les yeux, ça s’étire. Mais malgré cela, les gens ont confiance, reprennent le sourire. Un soleil éblouissant les conforte dans cette attitude optimiste.

7h15 : Certains se rendent compte que les hauts parleur ont été remplacés pendant la nuit.

7h30 : Il se met à pleuvoir.

par MrLandlord

mercredi 14 novembre 2007

Exalead, solidaire avec les usagers !

Ce matin, le moteur de recherche Exalead affichait sur sa page française son soutien à toutes les personnes qui se retrouvent coincées pendant la grève...


Un petit clin d'oeil original ! :)